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Page:Piron - Poésies badines et facétieuses, 1800.djvu/56

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Je l’avouerai, quand je te vis
Fraîche, comme on l’est au bel âge,
T’avancer au milieu des ris,
Et fixer la foule volage
De tous nos jeunes étourdis,
T’offrant leurs cœurs à ton passage ;
Lorsque je vis tes beaux cheveux
Tomber, en boucles ondoyantes,
Sur tes épaules éclatantes,
Dont l’albâtre en ressortait mieux :
Lorsque je vis sur tes grands yeux
Tes longues paupières baissées,
Et ton regard ingénieux,
Où l’on croit lire tes pensées ;
Cette taille, qui, tour à tour
Est légère et voluptueuse.
Et sait être majestueuse,
Sans trop effaroucher l’amour ;
Embrase d’une ardeur nouvelle.
Quand je vis tout cela, Zulmé,
Je m’écriai : « comme elle est belle !
« Qu’il serait doux d’en être aimé ! »
Mais après la première ivresse,
Quand, laissant tomber le bandeau,
Je vis tes projets, ton adresse,
Et tout le revers du tableau ;
Ta beauté, toujours sous les armes,
Pour insulter à ses martyrs,
L’artifice de tes soupirs
Et le mensonge de tes larmes ;
Quand je te vis, à tes amants
Jeter une amorce perfide,