Page:Pirro - Descartes et la Musique, 1907.djvu/12

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quelques passages de ses œuvres. Pour connaître ce que vaut sa doctrine, nous devrons rapprocher ces fragments isolés et les confronter. Bien que recueillis dans des écrits composés en diverses périodes de la vie de Descartes, ces éléments de notre étude se concilient assez bien. L’auteur reste presque toujours fidèle, en effet, aux opinions énoncées dans le manuscrit que, sous le titre de Musicæ Compendium, il remit à Issac Beeckman de Middelbourg, pridie calendas januarias, anno MDCXVIII completo[1]. Si, sur quelques points, il paraît s’exprimer, par la suite, autrement que dans ce résumé de sa science d’étudiant, il est cependant assez facile de rétablir l’harmonie, entre les divers témoignages qu’il nous a laissés de ses connaissances musicales. Jamais, d’ailleurs, il n’a désavoué ce qu’il avait proposé dans le Compendium. A la vérité il appelle, en 1618, ce petit livre « l’avorton de son esprit », mais il ne le rabaisse ainsi que pour mieux flatter l’amour-propre du personnage auquel il le dédie. Dès que le Hollandais laisse voir qu’il prend à la lettre les hommages de politesse et les paroles d’humilité de l’auteur, alors Descartes défend son œuvre et la revendique hautement. Bien plus, même quand il n’a plus à le soutenir, contre quelque critique, il fait de son abrégé de musique un fort bel éloge, écrivant, le 11 octobre 1638, dans une lettre à Mersenne, au sujet d’un livre de Galilée : « Tout le meilleur est ce qu’il a de musique, mais ceux qui me connoissent peuvent plutost croire qu’il l’a eu de moy, que moy de luy : car j’avois escrit quasi la mesme chose il y a 19 ans »[2]... Il admet donc encore ce qu’il a démontré dans le Compendium. Ainsi, les expériences nouvelles qu’il a pu faire, et les réflexions de son esprit mûri ne l’ont point porté à changer d’avis, quant à la musique. Cette unité de vues nous permettra

  1. Telle est la date marquée sur la copie du Compendium que possédait Constantin Huygens et qui est maintenant à la Bibliothèque de l’Université de Leyde, avec les papiers provenant de Huygens. La dédicace à Beeckman figure aussi sur ce manuscrit. (Voyez La Correspondance de Descartes, éd. Adam et Tannery, t. I. p. 396).
  2. Correspondance (éd. Adam et Tannery), II, p. 388. C’est à cette édition que se rapportent nos citations, dont nous avons pris la liberté de simplifier l’orthographe.