Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/125

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résulte suivant les circonstances, un sentiment d’anxiété méfiante ou un abandon plein de respect.

VI

Jusqu’ici, nous n’avons réglé notre conduite que d’après une façon purement scientifique d’envisager les choses ; mais voici qu’elle commence à nous laisser en plan. Nous voyons clairement, en effet, que la loi de causalité ne peut pas nous servir de guide dans le sentier de notre propre vie, parce que, logiquement parlant, il est impossible que nous arrivions jamais, par des réflexions d’ordre causal, à prévoir les motifs de nos actes futurs.

L’homme cependant a besoin de principes pour organiser ses actions et ses abstentions ; il en a besoin d’une façon beaucoup plus pressante encore que de la connaissance scientifique. Une seule action a souvent pour lui beaucoup plus d’importance que toutes les sciences du monde ensemble. Le voilà donc forcé de se pourvoir ici d’une autre direction et il ne la trouve qu’en introduisant, au lieu de la loi de causalité, la loi morale, le devoir de conscience, l’impératif catégorique. La nécessité morale — « Je suis obligé » — prend alors la place de la nécessité causale — « Je suis contraint » —. Le caractère prend la place de l’intelligence, la foi religieuse prend la place de la connaissance scientifique. Ici, la vue devient libre ; à l’homme qui pense et qui s’efforce, de vastes espaces et de brûlantes questions s’ouvrent en foule.

Il n’est pourtant pas de mon sujet, ni selon mes forces, de faire ici quelque tentative pour entreprendre une étude approfondie de l’essence de la religion sous ses diverses formes. Il me suffit de relever maintenant qu’aucune religion n’est incompatible avec un point de vue strictement scientifique, pourvu et pour autant qu’elle n’entre en contradiction, ni avec elle-même, ni avec la loi du conditionnement causal de tous les faits extérieurs.

Il faut donc rejeter, à mon avis, comme scientifiquement sans valeur, toute religion qui nie la valeur de la vie. Renier la vie, en effet, c’est, du même coup, renier la