Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/20

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Clausius s’est d’ailleurs parfaitement rendu compte qu’il y avait là une indétermination irréductible, c’est pourquoi il a généralisé le cas du cycle de Carnot simple en admettant l’existence d’un troisième réservoir dont la température est tout à fait indéterminée, qui fournit donc un travail non moins indéterminé.

L’artifice proposé plus haut pour trouver une expression mathématique de l’irréversibilité d’un phénomène ne nous a donc pas conduit au but et nous savons maintenant pourquoi : c’est que le problème a été posé en termes trop anthropomorphiques. On s’est trop placé pour le résoudre au point de vue des besoins de l’homme pour lequel produire du travail utile est-ce qui importe avant tout. Pour obtenir de la nature une réponse appropriée, il faut la considérer d’un point de vue plus général en faisant abstraction des préoccupations économiques. C’est ce que nous allons tenter de faire maintenant.

Considérons l’évolution d’un phénomène naturel quelconque. Tout phénomène de ce genre amène les corps qui y prennent part d’un certain état initial A à un état final B. Le phénomène considéré est réversible ou bien il est irréversible ; mais il n’y a aucune autre hypothèse possible. Dès lors l’irréversibilité ou la réversibilité du phénomène dépendent uniquement de la nature constitutive de l’état initial et de celle de l’état final et non pas de la façon dont le phénomène s’est déroulé entre ces deux états extrêmes. Il ne s’agit, en effet, que de savoir si, une fois que l’état B est atteint, il est encore possible, d’une manière quelconque, au système de reprendre intégralement l’état A. Si le retour intégral à l’état A est impossible, c’est-à-dire si le processus est irréversible, c’est que l’état B possède une certaine propriété en vertu de laquelle il jouit d’une sorte de précellence naturelle sur l’état A. J’ai exprimé ceci, il y a déjà bien longtemps, en disant que la nature a plus de propension pour l’état B que pour l’état A. En se plaçant à ce point de vue, il ne peut donc exister de processus dont l’état final serait un objet d’attrait moindre pour la nature que l’état initial. Les changements réversibles sont un cas limite dans lequel la nature a autant de propension pour l’état initial que pour l’état final ; c’est pourquoi le passage est possible de l’un