Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/213

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II

Le but idéal poursuivi par le physicien est donc la connaissance du monde réel et extérieur, mais, quels que soient les moyens d’investigation dont il dispose et les mesures qu’il effectue, jamais il n’appréhende directement rien de ce monde, Il en accueille seulement de temps en temps des messages plus ou moins incertains. Il reçoit, comme Helmholtz, l’a dit un jour, des signaux qui lui sont adressés par le monde réel et c’est à lui d’en tirer des conclusions ; sa situation est analogue à celle d’un linguiste ayant à déchiffrer des documents provenant d’un peuple dont la civilisation lui est entièrement inconnue. La première supposition que devra faire ce linguiste sera nécessairement qu’un certain sens raisonnable est inclus dans ce document. Le physicien, lui aussi, doit supposer que le monde réel obéit à des lois, même s’il n’a aucun espoir de jamais arriver à une pleine connaissance de ces lois, pas même de savoir avec certitude quelle en est la nature. Confiant dans l’existence d’un monde réel soumis à des lois, le physicien se bâtit un système de notions et de propositions dit « image représentative physique de l’univers » en faisant appel à toutes les ressources de son savoir et il s’efforcera de donner à ce système une structure telle que, mis à la place du monde réel, il lui adresse, autant que possible, des messages identiques. Dans la mesure où il y parvient, il lui est loisible d’affirmer sans craindre de s’exposer à une réfutation motivée, qu’il est parvenu à connaître au moins un des aspects du monde réel ; bien que, d’autre part, il ne puisse pas non plus donner une preuve de la vérité de son affirmation. Je ne crois pas être présomptueux, en ne cachant pas mon admiration pour le haut degré de perfection auquel l’esprit scientifique des hommes a su porter l’image représentative de l’univers depuis l’époque d’Aristote. Au point de vue positiviste, une telle conception de la physique et, aussi la lutte incessante pour la connaissance du réel, sont des choses qui n’ont aucun sens. Là où il n’y a pas d’objet, il ne saurait être question d’en donner une représentation.