Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/215

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met de choisir une seule courbe parmi une infinité d’autres également possibles. Nous sommes donc en présence d’une démarche intellectuelle, pour laquelle aucune logique n’est suffisante. S’il veut l’accomplir avec succès, le physicien devra posséder deux qualités : une connaissance approfondie de son sujet et une imagination créatrice puissante. Il lui faut, en effet : premièrement, être familier avec toutes sortes de mesures et, secondement, avoir une acuité intellectuelle suffisante pour rapprocher deux mesures différentes sous un point de vue commun.

Toute hypothèse féconde surgit de la combinaison de deux représentations sensibles, de nature différente. L’histoire nous offre de nombreux exemples de ces rapprochements : c’est d’abord Archimède rapprochant la perte de poids de son propre corps plongé dans l’eau de la perte de poids de la couronne d’or du tyran de Syracuse quand elle était immergée. C’est Newton, rapprochant la chute d’une pomme du mouvement de la lune autour de la terre. Plus tard, on rapprocha le mouvement d’un corps soumis à la gravitation, situé dans une enceinte en état de repos, d’un corps échappant à la gravitation et se trouvant dans une enceinte qui se déplace vers le haut avec un mouvement accéléré. Enfin Bohr rapprocha le mouvement d’un électron autour d’un noyau atomique du mouvement des planètes autour du soleil. Il serait intéressant de suivre, à propos de chaque hypothèse importante de la physique, le détail des rapprochements d’idées auxquels elles ont dû leur naissance. Toutefois il ne faut pas se dissimuler qu’une telle entreprise se heurterait à de grandes difficultés. Les grands génies créateurs n’ont, en général, jamais été disposés, pour des raisons personnelles, à livrer au public le détail des associations d’idées grâce auxquelles ils ont été amenés à formuler leurs hypothèses.

Si l’on cherche à savoir quelle est l’aptitude à être utilisée possédée par telle où telle hypothèse, il n’y a pas d’autre moyen d’y parvenir que de déduire de cette hypothèse les conséquences qu’elle comporte. Ceci est une opération purement logique et même, principalement, mathématique. L’hypothèse y sert de point de départ et son aboutissement