Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/219

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récemment quelque peu embarrassée à propos de la théorie des quanta, proviennent semble-t-il, au fond, de ce que l’on a, comme il était trop naturel, mais non cependant légitime, identifié l’œil corporel du physicien qui effectue la mesure avec l’œil intellectuel du physicien qui spécule, alors que le premier joue le rôle d’objet vis-à-vis du second. Dès lors que toute mesure est inévitablement liée avec une intervention causale, plus ou moins notable, dans le phénomène à mesurer, il est par principe, absolument impossible de séparer complètement les lois des phénomènes physiques des méthodes par lesquelles on les mesure. Pour les phénomènes les plus grossiers, ceux qui englobent une multitude d’atomes, l’influence de la mesure est, il est vrai, négligeable, même si l’on exige une très grande approximation. Aussi la physique ancienne, celle de l’époque classique, a-t-elle pu laisser s’implanter peu à peu l’idée que nos mesures nous permettent d’avoir une connaissance immédiate des phénomènes réels. Mais cette supposition est entachée d’une erreur de principe, diamétralement opposée à celle que le positivisme commet quand il ne considère que les impressions sensibles constitutives des mesures et ignore les phénomènes réels. Ce sont là deux attitudes également injustifiables. Il est tout aussi impossible d’exclure complètement les mesures que de vouloir ignorer les phénomènes réels. La découverte du quantum d’action indivisible a même permis de tracer une limite déterminable numériquement au delà de laquelle aucune mesure physique, quelle qu’elle soit, ne nous donnera jamais le détail des phénomènes réels. Dans ces conditions, la seule conclusion possible est que les questions concernant ces détails n’ont aucun sens physique. Tel est aussi le point où les résultats des mesures doivent être complétés par la spéculation libre. À cette dernière incombera la tâche d’achever, dans la mesure du possible, la description de l’image représentative physique de l’univers et de parvenir, par là même, à une connaissance plus parfaite du monde réel.

Récapitulons : le progrès de la physique dépend, avant tout, des perfectionnements apportés aux méthodes de mesure et, à ce point de vue, nous sommes entièrement d’accord avec le positivisme. Notre désaccord avec lui