Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/26

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nous le voyons séparer réversiblement, non seulement les molécules des espèces les plus diverses, peu importe qu’elles soient dans un état stable ou labile ; mais encore les ions possédant des charges de signes contraires, sans se soucier des forces électrostatiques énormes qui s’opposeraient à cette séparation, ni du fait qu’il y a des molécules qui continuent à se dissocier pendant que la séparation s’accomplit, tandis qu’une partie des ions se condense en molécules neutres. Pourtant c’est à des artifices de ce genre qu’il faut absolument avoir recours pour comparer l’entropie des molécules non dissociées à celles des molécules dissociées, si l’on veut appliquer la définition de Clausius. L’étonnant, dans ces conditions, c’est de voir les résultats expérimentaux, confirmer, malgré tout, de pareilles audaces théoriques.

Si maintenant on examine les résultats, on s’aperçoit qu’ils ne dépendent en aucune manière de la possibilité d’exécution réelle des processus idéaux, car ils ne sont en définitive que des relations entre des grandeurs naturelles, comme la température, la chaleur de réaction, la concentration, etc. Aussi ne peut-on s’empêcher de conjecturer que l’admission, à titre d’intermédiaires, des processus idéaux, n’a, ou fond, pas d’autre signification que celle d’un détour pour résoudre un système d’équations. Le véritable contenu du principe de l’augmentation de l’entropie avec toutes les conséquences qu’il entraîne peut donc être désolidarisé entièrement de la notion d’irréversibilité sous sa forme primitive, c’est-à-dire de l’idée de l’impossibilité du « perpetuum mobile » de seconde espèce, tout comme le principe de la conservation de l’énergie a pu être désolidarisé de l’idée de l’impossibilité du « perpetuum mobile » de première espèce,

L’œuvre scientifique de Ludwig Boltzmann a été consacrée tout entière à faire franchir à la thermodynamique le pas décisif qui devait libérer le concept d’entropie de toute dépendance à l’égard de la technique expérimentale, c’est pourquoi cette œuvre a fait du postulat de Clausius un véritable principe. Nous la résumerons en disant qu’elle a consisté d’une manière générale, à ramener le concept d’entropie à celui de probabilité. Telle est la raison pour laquelle j’ai employé plus haut le mot de « pré-