Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/268

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beaucoup plus de temps de libre que je n’en ai pour examiner tout cela à fond.

Je puis néanmoins, d’après leur contenu, classer ces écrits en deux catégories : la première comprend des élucubrations tout à fait naïves dont les auteurs ignorent complètement qu’une idée scientifique nouvelle, pour être valable, doit s’appuyer sur des faits bien définis et que, par suite, il est nécessaire d’avoir quelques connaissances un peu plus développées dans le domaine que cette idée concerne, pour arriver à la formuler correctement. Ces gens se figurent pouvoir deviner directement la vérité par une sorte d’intuition géniale et ils ne soupçonnent même pas que les grandes découvertes ont toujours été précédées par une période de dur travail solitaire. Ils s’imaginent que la découverte, tant souhaitée, leur est tombée du ciel toute faite par un heureux coup du hasard ; de même que, jadis, la gravitation universelle a été trouvée par Newton confortablement assis sous un pommier. Ce qu’il y a de pire dans le cas de tels fantaisistes, capables de flotter par toutes les eaux, mais nullement d’y pénétrer, c’est qu’ils sont incorrigibles, en raison de leur manque de formation scientifique, et c’est aussi qu’ils sont la source de dangers qu’il ne faut pas sous-estimer. En raison de l’intérêt très louable que la jeunesse actuelle porte aux questions les plus générales et du désir qu’elle a de se faire une idée satisfaisante de l’univers, il convient d’attirer tout spécialement l’attention sur ce fait qu’un système de l’univers n’est qu’une construction en l’air, destinée à s’écrouler au premier souffle, si elle n’est pas fondée sur le terrain solide de la réalité. Celui qui veut édifier une telle construction, doit donc savoir parfaitement à quoi s’en tenir sur le terrain des faits.

Certes, à l’heure actuelle, il n’est plus possible, pour un savant isolé, de posséder une expérience directe quelque peu complète dans tous les domaines scientifiques ; dans la plupart des cas, il devra s’en tenir à une information de seconde main. Mais il lui sera d’autant plus indispensable, qu’au moins dans un domaine particulier, il se sente tout à fait chez lui et qu’il puisse juger par lui-même en connaissance de cause. C’est pourquoi, en qualité de membre de la faculté de philosophie, je n’ai jamais cessé