Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/277

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exige une foi soumise. Aussi arrive-t-il fréquemment que l’on ait recours aux substituts les plus suspects de l’idée religieuse et que l’on accueille à bras ouverts les prophètes nouveaux, sensés apporter des messages de salut plus certains.

Il est vraiment étonnant de constater combien de gens cultivés sont entrés dans le sillage de ces religions nouvelles où ils subissent une séduction qui relève tantôt de la mystique la plus dévoyée et tantôt de la plus basse superstition.

L’idée séduisante d’essayer d’édifier une conception de l’univers sur une base scientifique est, en général, repoussée par la catégorie de personnes dont nous venons de parler sous prétexte que la conception scientifique de l’univers a fait faillite. Dans cette affirmation, il y a d’ailleurs une part de vérité ; elle est même pleinement justifiée si l’on prend le mot « science », comme il est très fréquemment arrivé, dans un sens purement rationnel ; mais celui qui se comporte ainsi prouve qu’il est intérieurement très éloigné de l’esprit de la véritable science. Quiconque a travaillé réellement à l’édification d’une science quelconque, sait, par expérience, que pour franchir la porte, il faut un guide qui, pour être invisible, n’en est pas moins indispensable ; ce guide c’est une foi intrépide.

On dit souvent que la science ne fait pas d’hypothèses. Je ne crois pas qu’il y ait un adage ayant plus de désastres à son actif, faute d’avoir été bien compris. La base solide sur laquelle repose toute la science est constituée par son matériel de faits, c’est chose certaine ; mais ce qui ne l’est pas moins, c’est que ce matériel, même si on y adjoint une élaboration logique, ne suffit pas à faire la science. Le trésor des faits restera, en effet, toujours plus ou moins incomplet, il ne se composera jamais que de pièces détachées, si nombreuses qu’on veuille bien les supposer, et ceci s’applique aussi bien aux documents historiques qu’aux tables de mesures des sciences physiques et naturelles. Il est donc absolument nécessaire que les vides soient comblés et cela ne peut se faire qu’au moyen de liaisons idéologiques. Ces liaisons ne sont pas le résultat d’un travail logique, mais un produit de l’ima-