Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/39

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Pour terminer, nous ajouterons encore un argument susceptible de faire plus d’impression que toutes les considérations objectives précédentes, sur ceux qui s’obstinent à regarder le point de vue économique humain comme le plus important. Lorsque les grands génies des sciences exactes lancèrent leurs idées à travers le monde savant, lorsque Nicolas Copernic, par exemple, enleva à la terre son rôle-de centre du monde, lorsque Jean Kepler formula les lois qui portent son nom, lorsque Isaac Newton découvrit la loi de la gravitation universelle, lorsque son illustre compatriote Christian Huyghens émit l’hypothèse de la nature ondulatoire de la lumière, lorsque Michel Faraday posa les fondements de l’électrodynamique, et je pourrais allonger encore cette liste, les préoccupations économiques furent certainement au dernier rang des motifs qui entraînèrent ces hommes à soutenir de rudes combats contre les idées traditionnelles et les autorités de leurs temps. Ce qui les encourageait, c’était une foi inébranlable à la conformité de leurs conceptions de l’univers avec la réalité, et cette foi reposait sur des bases esthétiques ou religieuses. Ce fait est de ceux qu’on ne peut pas contester et, en s’appuyant sur lui, on peut prévoir que si le principe d’économie de Mach devenait réellement le fondement de toute théorie de la connaissance, tous les pionniers géniaux qui sont encore à naître, n’y trouveraient qu’une entrave à leur pensée. Les ailes de leur fantaisie se trouveraient coupées et, en fin de compte, le progrès de la science serait compromis d’une façon désastreuse. Dans ces conditions, ne serait-il pas plus « économique » de ne faire au principe d’économie qu’une place un peu plus modeste ? D’ailleurs, comme il ressort de la façon dont j’ai posé ma question, je suis, bien entendu, très loin de penser qu’il faille proscrire ou même négliger toute considération basée sur l’économie, celle-ci étant prise dans son sens le plus élevé.

Mais il y a plus : les grands savants dont je citais les noms tout à l’heure, ne parlaient pas du tout de leur conception de l’univers, mais uniquement de la nature de l’univers lui-même. Y a-t-il une différence décelable entre « leur monde » et notre image du monde selon la physique future ? Nullement. Depuis Emmanuel Kant, c’est, en effet,