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CHAPITRE IV

LA GENÈSE ET L’ÉVOLUTION DE LA THÉORIE DES QUANTA

Reportons-nous à une époque déjà vieille de vingt ans : c’est le temps où la notion de quantum d’action commence à se dégager pour la première fois de l’accumulation des faits expérimentaux. Elle n’a pas encore parcouru le chemin long et sinueux qui doit l’amener à l’état adulte et, considérant toute cette évolution, je ne puis m’empêcher d’évoquer le mot de Gœthe d’après lequel la course errante de l’homme dure aussi longtemps que son effort vers un but. Tout le travail et le zèle du chercheur ne pourrait lui apparaître que comme une tentative vaine et sans espoir s’il n’y avait, de temps en temps, certains faits de nature à lui prouver irréfutablement que le va-et-vient de ses démarches tâtonnantes lui a permis finalement de faire un pas de plus vers la vérité. Si elle n’est pas la garantie du succès, la poursuite d’un but déterminé n’en est pas moins la condition inéluctable.

Dans l’espèce, mon but, depuis longtemps, était d’arriver à résoudre le problème de la répartition de l’énergie dans le spectre normal de l’émission thermique.

Depuis que Gustave Kirchhoff avait montré que la structure du rayonnement émis à l’intérieur d’une enceinte close, formée par un nombre quelconque de corps, dont la température est uniforme, est complètement indépendante de la nature de ces corps[1], on savait qu’il existe une fonction universelle reliant entre elles températures et longueurs d’ondes, et que pour la détermination de cette fonction, les propriétés spéciales d’aucune substance

  1. G. Kirchhoff : Sur le rapport existant entre le pouvoir émissif et le pouvoir absorbant des corps pour la chaleur et la lumière. Recueil de ses œuvres, p. 597 (p. 17). Leipzig, J. A. Barth (1882).