Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/98

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Même quand nous parlons d’une force, que la bille en mouvement exerce sur l’autre, nous n’introduisons ainsi qu’un concept analogique qui repose sur la sensation que nous éprouvons dans nos muscles lorsque nous heurtons la bille initialement immobile, non plus avec la bille en mouvement mais avec la main. Le concept de force s’est révélé comme utile au plus haut point pour formuler la loi du mouvement ; mais, par lui-même, il ne fait pas avancer la science d’un seul pas. Tout point d’appui nous manque, en effet, pour parler d’un lien proprement causal et intérieur ou seulement d’une sorte de pont logique qui unirait entre eux les divers phénomènes du mouvement. Deux perceptions distinctes sont toujours distinctes et demeurent distinctes, si nombreuses que puissent être les relations que l’on établisse entre elles.

Par suite, tout le contenu de la loi de causalité, prise en son fondement, se réduit à la proposition suivante : des complexes de perceptions identiques ou semblables étant donnés comme cause, il s’ensuit constamment, comme effet, des complexes de perceptions identiques ou semblables. Sur quoi se pose la question : Que doit-on considérer comme semblable ? et elle requiert pour chaque cas particulier un examen spécial. Ainsi formulé le concept de cause se trouve dépouillé de tout sens plus profond, quoique l’importance pratique de la loi de causalité, en tant qu’elle ouvre à l’homme pensant des vues sur l’avenir, subsiste et demeure sans diminution essentielle.

Comment expliquer cependant que, dans la vie ordinaire, nous concevions l’interdépendance causale des phénomènes comme quelque chose d’objectif et qui ne dépend pas de nous et que nous y voyons, en fait, beaucoup plus qu’une simple succession de sensations personnelles dans un ordre régulier ? Les sceptiques dans leur système répondent : Par l’énorme efficience de cette conception dès qu’il s’agit d’atteindre un but, jointe à la puissance de l’habitude. Il n’est certes pas facile d’estimer assez haut les innombrables effets que l’habitude peut produire. Dès notre plus jeune âge, elle influence notre sensibilité, notre pensée et notre vouloir. Ce que nous avons coutume de voir, nous croyons aussi le comprendre. Quand un événement nouveau et imprévu se produit devant nous pour