Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, III et IV.djvu/327

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de chaque tonneau sont rares, malaisées à avoir, et qu’on ne peut se les procurer qu’avec des peines infinies ; que l’un de ces hommes ayant une fois rempli ses tonneaux, n’y verse plus rien désormais, n’a plus aucune inquiétude, et est parfaitement tranquille à cet égard : que l’autre peut, à la vérité, comme le premier ; se procurer les mêmes liqueurs, quoique difficilement, mais que, du reste, ses tonneaux étant percés et gâtés, il est obligé de les remplir sans cesse jour et nuit, sous peine de s’attirer les derniers chagrins. Ce tableau étant l’image de l’une et de l’autre vie, dis-tu que la vie de l’homme déréglé est plus heureuse que celle du tempérant ? Ce discours t’engage-t-il à convenir que la condition du second est préférable à celle de l’autre, ou ne fait-il aucune impression sur ton esprit ?

CALLICLÈS.

Aucune, Socrate ; car cet homme dont les tonneaux demeurent remplis ne goûte plus aucun plaisir, et il est dans le cas dont je parlais tout-à-l’heure, il vit comme une pierre, dès qu’une fois ils sont pleins, sans plaisir ni douleur. Mais la douceur de la vie consiste à y verser le plus qu’on peut.

SOCRATE.

N’est-ce pas une nécessité, que plus on y verse,