Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, III et IV.djvu/42

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Je ne te le cacherai pas non plus, reprit Protagoras, mais choisis : veux-tu que, comme un vieillard qui parle à des jeunes gens, je te fasse cette démonstration par le moyen d’une fable, ou bien que j’emploie le raisonnement ?

À ces mots, la plupart de ceux qui étaient là assis se sont écriés qu’il était le maître. Puisque cela est, dit-il, je crois que la fable sera plus agréable.

Il fut un temps où les dieux existaient, et où il n’y avait point [320d] encore d’êtres mortels. Lorsque le temps de leur existence marqué par le destin fut arrivé, les dieux les formèrent dans le sein de la terre, les composant de terre, de feu, et des autres élémens qui se mêlent avec le feu et la terre. Quand ils furent sur le point de les faire paraître à la lumière, ils chargèrent Prométhée et Épiméthée[1] du soin de les orner, et de pourvoir chacun d’eux des facultés convenables. Épiméthée conjura son frère de lui laisser faire cette distribution. Quand je l’aurai faite, dit-il, tu examineras si elle est bien. Prométhée y ayant consenti, il se met à faire le partage : il donne aux uns la force sans vitesse, [320e] compense la faiblesse des autres par l’agilité ; arme ceux-ci, et

  1. Tous deux fils de Japet et de Clymène, selon Hésiode, Théogon., v. 513, ou d’Asia, fille de l’Océan, selon Apollodore, I. 2.