Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/26

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pon. Il paraît que tu dois cette idée à Homère qui vante beaucoup Autolycus, aïeul maternel d’Ulysse, et dit qu’il surpassa tous les hommes dans l’art de dérober et de mentir[1]. Par conséquent, selon Homère, Simonide et toi, la justice n’est autre chose que l’art de dérober pour le bien de ses amis et pour le mal de ses ennemis : n’est-ce pas ainsi que tu l’entends ?

Non, par Jupiter, s’écria Polémarque ; je ne sais plus alors ce que j’ai voulu dire. Cependant il me semble toujours que la justice consiste à obliger ses amis et à nuire à ses ennemis.

Mais, continuai-je, qu’entends-tu par amis ? Ceux qui nous paraissent gens de bien, ou ceux qui le sont, quand même ils ne nous paraîtraient pas tels ? Je te demande la même chose des ennemis.

Il me paraît naturel d’aimer ceux qu’on croit gens de bien et de haïr ceux qu’on croit méchans.

Mais n’arrive-t-il pas aux hommes de s’y méprendre, de juger que tel est honnête homme qui n’en a que l’apparence, ou que tel est un fripon qui est honnête homme ?

J’en conviens.

  1. Odyssée, XIX, v. 395.