Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/46

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que nature que soit son autorité, ne se propose jamais son intérêt propre, mais celui des sujets : c’est à ce but qu’il vise, c’est pour leur procurer ce qui leur est avantageux et convenable, qu’il dit tout ce qu’il dit et fait tout ce qu’il fait.

Nous en étions là, et tous les assistans voyaient clairement que la définition de la justice était devenue précisément le contraire de celle de Thrasymaque, lorsqu’au lieu de répondre : Socrate, me dit-il, as-tu une nourrice ? Qu’est-ceci, repliquai-je, ne vaut-il pas mieux répondre que de faire de pareilles questions ?

Elle a grand tort, reprit-il, de te laisser ainsi morveux et de ne pas te moucher. En vérité tu en as besoin ; car elle ne t’a seulement pas appris ce que c’est que des troupeaux et un berger.

Explique-toi, je te prie.

Tu crois que les bergers pensent au bien de leurs troupeaux, qu’ils les engraissent et les soignent dans une autre vue que leur intérêt et celui de leurs maîtres. De même tu t’imagines que dans les États, ceux qui gouvernent véritablement, sont dans d’autres sentimens à l’égard de leurs sujets que les bergers à l’égard de leurs troupeaux : tu t’imagines que jour et nuit ils sont occupés d’autre chose que de leur propre intérêt ; tu es si loin de connaître la nature du juste et de l’injuste que tu ne sais pas même