Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/475

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pauvre laboureur[1], et souffrir tout au monde plutôt que de revenir à sa première illusion et de vivre comme il vivait ?

Je ne doute pas qu’il ne soit disposé à tout souffrir plutôt que de vivre de la sorte.

Imagine encore que cet homme redescende dans la caverne et qu’il aille s’asseoir à son ancienne place ; dans ce passage subit du grand jour à l’obscurité, ses yeux ne seront-ils pas comme aveuglés ?

Oui vraiment.

Et si tandis que sa vue est encore confuse, et avant que ses yeux se soient remis et accoutumés à l’obscurité, ce qui demande un temps assez long, il lui faut donner son avis sur ces ombres et entrer en dispute à ce sujet avec ses compagnons qui n’ont pas quitté leurs chaînes, n’apprêtera-t-il pas à rire à ses dépens ? Ne diront-ils pas que pour être monté là-haut, il a perdu la vue ; que ce n’est pas la peine d’essayer de sortir du lieu où ils sont, et que si quelqu’un s’avise de vouloir les en tirer et les conduire en haut, il faut le saisir et le tuer, s’il est possible.

Cela est fort probable.

  1. Odyssée, XI, v. 488. Paroles d’Achille regrettant la vie jusqu’à préférer la condition de valet de laboureur au pouvoir suprême chez les morts.