Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/55

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parce qu’ils ne voient personne qui soit autant ou plus digne de gouverner qu’eux-mêmes. Supposez un État uniquement composé de gens de bien : on s’éloignerait du pouvoir avec autant d’empressement qu’on s’en approche maintenant ; dans un pareil État, on reconnaîtrait clairement que le vrai magistrat n’a point en vue son intérêt, mais celui des sujets, et chaque citoyen, persuadé de cette vérité, aimerait mieux voir un autre veiller à ce qui lui est avantageux que de veiller lui-même à ce qui est avantageux aux autres. Je n’accorde donc pas à Thrasymaque que la justice soit l’intérêt du plus fort ; mais nous examinerons ce point une autre fois. J’attache beaucoup plus d’importance à ce qu’il a ajouté, que le sort de l’injuste est plus heureux que celui du juste. Quel parti as-tu pris, Glaucon, et que te semble-t-il plus vrai de dire ?

Que le sort de l’homme juste, dit Glaucon, réunit le plus d’avantages.

Tu viens d’entendre Thrasymaque énumérer ceux qui sont attachés au sort de l’homme injuste.

Oui, je l’ai entendu, mais il ne m’a pas persuadé.

Veux-tu que nous cherchions quelque moyen de lui prouver évidemment qu’il se trompe ?

Très volontiers.