Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/665

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le pouvoir aux mauvais citoyens et où on ferait périr les bons ; car c’est l’image du désordre que le poète imitateur introduit dans le gouvernement intérieur de chaque homme, par l’excessive complaisance qu’il a pour cette partie insensée de notre ame qui ne sait pas distinguer ce qui est plus grand et ce qui est plus petit, qui tantôt exagère, tantôt rappetisse les mêmes objets, produit des fantômes, et est toujours à une distance infinie du vrai.

Tu as bien raison.

Et cependant nous n’avons rien dit encore de la plus grave accusation qu’il y aurait à porter contre elle. N’est-ce pas en effet quelque chose de bien fâcheux, de voir qu’à l’exception d’un très petit nombre, elle est capable de corrompre les gens sages ?

Certainement, s’il en est ainsi.

Écoute, et tu jugeras. Tu sais que tous tant que nous sommes, je dis même les plus raisonnables, lorsque nous entendons réciter les endroits d’Homère ou de quelque autre poète tragique, où l’on représente un héros dans l’affliction, déplorant son sort dans un long discours, poussant des cris et se frappant la poitrine ; tu sais, dis-je, que nous ressentons alors un plaisir secret auquel nous nous laissons aller insensiblement, et qu’à la compassion pour le héros qui