Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/700

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ne peut contenir l’eau. Chaque ame est obligée de boire de cette eau en certaine quantité. Celles qui ne sont pas retenues par la prudence, en boivent plus qu’il ne faut ; à mesure que chacune boit, elle perd toute mémoire. On s’endormit après ; mais vers le milieu de la nuit, il survint un éclat de tonnerre, avec un tremblement de terre ; et aussitôt les ames furent dispersées cà et là vers les divers points de leur naissance terrestre, comme des étoiles qui jailliraient tout à coup dans le ciel. Quant à lui, disait Er, on l’avait empêché de boire de l’eau du fleuve ; cependant il ne savait pas par où ni comment son ame s’était rejointe à son corps ; mais le matin, ayant tout à coup ouvert les yeux, il s’était aperçu qu’il était étendu sur le bûcher.

Ce mythe, mon cher Glaucon, a été préservé de l’oubli, et il peut nous préserver nous-mêmes de notre perte si nous y ajoutons foi ; nous passerons heureusement le fleuve Léthé, et nous maintiendrons notre âme pure de toute souillure. Et si c’est à moi, mes amis, qu’il vous plaît ajouter foi, persuadés que l’ame est immortelle, et qu’elle est capable par sa nature de tous les biens comme de tous les maux, nous marcherons sans cesse par la route qui conduit en haut, et nous nous attacherons de toutes nos forces à la pratique de la justice et de la sagesse, afin que