Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, IX et X.djvu/88

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le partage de l’homme criminel qui sait se donner l’apparence de la vertu. [365c] Or, puisque l’apparence, au dire des sages, est plus forte que la vérité[1] et peut tant sur le bonheur, il faut me tourner tout entier de ce côté ; il faut présenter au dehors et de tous les côtés l’image de la vertu et traîner en arrière le renard rusé et trompeur du très habile Archiloque[2]. Mais, dira-t-on, il est difficile au méchant de se cacher toujours ; je répondrai [365d] qu’il n’y a pas de grandes entreprises sans difficulté ; et qu’après tout, pour être heureux, je n’ai point d’autre route à suivre que celle qui m’est tracée par ces discours. Pour éviter d’être découvert, j’aurai des amis et des conjurés : il est aussi des maîtres qui m’apprendront à tromper le peuple et les juges. J’emploierai tantôt l’éloquence et tantôt la force, et j’aurai le privilège d’échapper à la vengeance des lois. Mais je ne pourrai ni me cacher des dieux ni leur faire violence ? Mais s’ils n’existent point ou

  1. Simonidis Fragmenta, CXXIII, édit. de Gaisford, t. I, p. 394.
  2. C’est-à-dire : en apparence la vertu, en réalité la ruse. Archiloque avait fait une ou deux pièces de vers où le renard joue le rôle d’un personnage faux et rusé (Archilochi Fragmenta, XXXVI et XXXIX, Gaisford, t. I, p. 307 et 308 ; Anthologia Græca de Jacobs, t. I, p. 46, et Comment. in Anthol., t. I, p. 174). D’où le proverbe, le Renard d’Archiloque.