Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/120

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ville en ville, et de vivre comme un proscrit ! Car je sais que partout où j’irai, les jeunes gens viendront m’écouter comme ici ; si je les rebute, eux-mêmes me feront bannir par les hommes [37e] plus âgés ; et si je ne les rebute pas, leurs pères et leurs parents me banniront, à cause d’eux.

Mais me dira-t-on peut-être : Socrate, quand tu nous auras quittés, ne pourras-tu pas te tenir en repos, et garder le silence ? Voilà ce qu’il y a de plus difficile à faire entendre à [38a] quelques-uns d’entre vous ; car si je dis que ce serait désobéir au dieu, et que par cette raison, il m’est impossible de me tenir en repos, vous ne me croirez point, et prendrez cette réponse pour une plaisanterie ; et, d’un autre côté, si je vous dis que le plus grand bien de l’homme, c’est de s’entretenir chaque jour de la vertu et des autres choses dont vous m’avez entendu discourir, m’examinant et moi-même et les autres : car une vie sans examen n’est pas une vie ; si je vous dis cela, vous me croirez encore moins. Voilà pourtant la vérité, Athéniens ; mais il n’est pas aisé de vous en convaincre. Au reste, je ne suis point accoutumé à me juger digne de souffrir aucun mal. [38b] Si j’étais riche, je me condamnerais volontiers à une amende telle que je pourrais la payer, car cela ne me ferait aucun tort ; mais, dans la circonstance présente… car enfin je n’ai rien…