Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, I et II.djvu/200

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par quel motif tu t’étais mis à faire des vers depuis que tu étais en prison, toi qui jusque-là n’en avais fais de ta vie. Si donc tu mets quelque intérêt à ce que je puisse répondre à Évenus, lorsqu’il viendra me faire la même question, et je suis sûr qu’il n’y manquera pas, apprends-moi ce qu’il faut que je lui dise.

Eh bien ! mon cher Cébès, reprit Socrate, dis-lui la vérité : que ce n’a pas été assurément pour être son rival [60e] en poésie ; je savais bien que ce n’était pas chose facile ; mais pour éprouver le sens de certains songes, et acquitter ma conscience envers eux, si par hasard la poésie était celui des beaux-arts auquel ils m’ordonnaient de m’appliquer ; car, souvent, dans le cours de ma vie, un même songe m’est apparu, tantôt sous une forme, tantôt sous une autre, mais me prescrivant toujours la même chose : Socrate, me disait-il, cultive les beaux-arts. Jusqu’ici j’avais pris cet ordre pour une simple exhortation [61a] à continuer, et je m’imaginais que, semblables aux encouragemens par lesquels nous excitons ceux qui courent dans la lice, ces songes, en me prescrivant l’étude des beaux-arts, m’exhortaient seulement à poursuivre mes occupations accoutumées, puisque la philosophie est le premier des arts, et que je me livrais tout entier à la philosophie. Mais depuis ma con-