Aller au contenu

Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, VII et VIII.djvu/547

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parole parlée, si l’on peut s’exprimer ainsi, presque inintelligibles dans la parole écrite, synthétiquement régulières et très irrégulières analytiquement, que les grammairiens appellent anacolouthies. Le style de Platon en est plein, ou plutôt il est, comme la conversation elle-même, et j’entends la plus élégante et la plus lucide, une perpétuelle anacolouthie. On voit par les Lois que tel devait être son premier jet et la forme spontanée de sa pensée. Il est probable aussi qu’il s’y complaisait un peu, lui, si passionné pour le drame et pour le dialogue, et si ami du naturel qu’il appelait le peuple le meilleur maître de langue. Puis, quand il revoyait son ouvrage et se mettait à la place, non plus de ses personnages causant entre eux, mais du public et du froid lecteur qui le lirait dans son cabinet, alors la réflexion, mais une réflexion supérieure et sans pédanterie, le génie même de l’art, retouchait légèrement l’œuvre inspirée, et sans gêner l’élan de la muse, le réglait et l’assurait. En un mot, Platon devait retrancher ou adoucir, dans un nouveau travail, bien des choses qu’il s’était d’abord permises en se livrant au mouvement de la conversation qu’il voulait reproduire, et la preuve en est l’immense différence qui sépare la diction de la République et celle des Lois. En fait, le style de la République, où règne pourtant un naturel admirable, est beaucoup moins rempli d’anacolouthies que celui des Lois. C’est que