Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/337

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Mais enfin, celle qui principalement le rend heureux, que lui apprend-elle ?

Le bien et le mal, dit-il.

Ô méchant, repris-je, tu me fais tourner depuis si long-temps dans un cercle, sans me dire que vivre heureux, ce n’est pas vivre [174c] suivant la science en général, ni avec toutes les sciences réunies, mais suivant celle qui connaît le bien et le mal ? Au reste, dis-moi, Critias, si tu sépares cette science des autres, en serons-nous moins guéris par la médecine, moins bien chaussés par l’art du faiseur de sandales, moins bien habillés par le tisserand ? La science du pilote nous sera-t-elle moins utile sur la mer, et celle du général à la guerre ?

Non.

Mais, mon cher Critias, si cette science nous manque, [174d] toutes les autres sciences ne serviront point à notre bonheur.

Il est vrai.

Et cette science, à ce qu’il paraît, n’est pas la sagesse, mais la science dont l’objet est de nous être utile : car elle n’est pas la science de la science et de l’ignorance, mais celle du bien et du mal ; de sorte que si c’est elle qui nous est utile, alors la sagesse doit être pour nous autre chose qu’utile.

Comment ! dit-il, elle ne serait pas utile ! S’il