Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/480

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d’amour, et entreprit un jour de lui prouver que son indifférence même était un titre de plus pour obtenir de tendres faveurs. Voici son discours :

En toutes choses, mon enfant, pour [237c] délibérer avec fruit, il faut commencer par savoir bien sur quoi l’on délibère, autrement on n’arrivera qu’à l’erreur. La plupart ignorent le fond des choses, et ne s’aperçoivent pas même de leur ignorance. Aussi n’ont-ils pas soin de poser d’abord l’état de la question, dont ils se supposent parfaitement instruits ; et il en résulte ce qui était inévitable, ils finissent par ne s’entendre ni eux ni les autres. Pour ne pas tomber dans le défaut que nous critiquons, à présent qu’il s’agit de savoir lequel on doit plutôt favoriser, celui qui est amoureux ou celui qui ne l’est pas, définissons premièrement ce que c’est que l’amour, [237d] et quel est son pouvoir ; et, nous reportant sans cesse aux principes que nous aurons arrêtés, examinons si l’amour est utile ou nuisible. D’abord, il est clair que l’amour est un désir : nous savons aussi que le désir des belles choses n’est pas toujours de l’amour. À quoi donc reconnaîtrons-nous les personnes amoureuses ? Il faut considérer que nous avons en nous deux principes qui nous gouvernent et