Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/484

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contre dans l’objet de son amour ; autrement il tâchera de les faire naître ou il en souffrira pour le moment. Il sera donc nécessairement jaloux, [239b] il tâchera d’interdire à celui qu’il aime toutes les liaisons qui pourraient lui être utiles et le rendre plus homme ; il lui causera par là un grand dommage, mais surtout il lui fera un tort irréparable en lui dérobant le seul moyen d’accroître ses connaissances et ses lumières. Ce moyen, c’est la divine philosophie, dont l’amant cherchera nécessairement à détourner son bien-aimé, de crainte qu’il n’y apprenne à le mépriser. Il fera tous ses efforts pour que le malheureux jeune homme reste dans une ignorance absolue, n’ait des yeux que pour son amant, et lui soit ainsi d’autant plus agréable qu’il se fera plus de tort à lui-même. Au moral, [239c] on ne saurait donc avoir de plus mauvais guide ni de plus mauvais compagnon qu’un amant.

Au physique, demandons-nous quelle espèce de soins peut donner l’amant à celui qu’il possède, obligé comme il l’est de chercher en tout l’agréable aux dépens de l’utile ? Vous le verrez toujours rechercher, au lieu d’un jeune homme robuste, quelque jouvenceau sans vigueur, nourri, non pas à la clarté du soleil, mais dans l’ombre, étranger aux mâles travaux et aux