Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/494

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imposeraient peut-être aux esprits frivoles et déroberaient leurs suffrages. Pour moi, je me crois obligé à une expiation sérieuse. Or, ceux qui se trompent en matière de théologie n’ont pour réparer leur faute qu’une sorte d’expiation déjà bien ancienne, qu’Homère n’a point connue, mais que Stésichore a pratiquée. En effet, privé de la vue pour avoir osé flétrir la mémoire d’Hélène, il ne méconnut point, comme Homère, la cause de son malheur ; il la reconnut, en véritable ami des muses, et publia aussitôt ces vers :

Non, ce récit n’est point vrai ; non, jamais tu ne montas
Les superbes vaisseaux des Troyens ; [243b] jamais tu n’entras dans Pergame[1].

Et après avoir composé toute cette palinodie, comme on l’appela, il recouvra subitement la vue. Je veux encore être plus sage, au moins sous un rapport ; car je n’attendrai pas que l’Amour me punisse d’avoir mal parlé de lui ; je préviendrai ses coups par une palinodie. Cette fois du moins je puis parler la tête découverte, et la honte ne me fera plus cacher mon visage.

  1. Il paraît que dans la Palinodie il prétendait que c’était seulement le fantôme d’Hélène qui avait été enlevé ; fiction dont profita depuis Euripide dans sa tragédie.