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LE BANQUET.

que ta raillerie pourrait bien m’obliger [189b] à te surveiller, et à voir un peu s’il ne t’échappera rien qui prête à rire ? tu cherches la guerre quand tu peux avoir la paix. — Tu as fort raison, Éryximaque, répondit Aristophane en souriant ; prends que je n’ai rien dit ; de l’indulgence, je te prie ; car je crains, non pas de faire rire avec mon discours, ce qui serait pour moi une bonne fortune et le triomphe de ma muse, mais de dire des choses qui soient ridicules. — Aristophane, reprit Éryximaque, tu jettes ta flèche et tu t’enfuis. Mais crois-tu échapper ? Fais bien attention à ce que tu vas dire, et parle comme un homme qui doit rendre compte de chacune de ses paroles. [189c] Peut-être, s’il m’en prend envie, je te traiterai avec indulgence.

« À la bonne heure, Éryximaque, dit Aristophane. Aussi bien je me propose de parler bien autrement que vous avez fait, Pausanias et toi. Il me semble que jusqu’ici les hommes n’ont nullement connu la puissance de l’Amour ; car s’ils la connaissaient, ils lui élèveraient des temples et lui offriraient des sacrifices ; ce qui n’est point en pratique, quoique rien ne fut plus convenable[1] : car c’est celui de tous les dieux

  1. On pourrait croire, d’après ce passage, que l’Amour n’était pas une divinité positive de la mythologie païenne, mais une simple création poétique.