Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/737

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
283
LE BANQUET.

prêt à parler ; car aussi bien pourrai-je rentrer une autre fois en conversation avec Socrate.

Je vais donc établir d’abord le plan de mon discours, et je commencerai.

« Il me semble que ceux qui ont parlé jusqu’ici ont moins loué l’Amour que félicité les hommes du bonheur qu’il leur donne ; mais le dieu même [195a] à qui on doit ce bonheur, nul ne l’a fait connaître. Et cependant la seule bonne manière de louer est d’expliquer quelle est la chose en question et quels effets elle produit. Ainsi dans cet éloge de l’Amour nous devons dire premièrement quel il est, et parler après de ses bienfaits. Or, j’ose affirmer que de tous les dieux qui jouissent du suprême bonheur, l’Amour, s’il est permis de le dire sans crime, est le plus heureux, comme étant le plus beau et le meilleur. Je dis le plus beau, et voici [195b] pourquoi : d’abord, ô Phèdre, c’est qu’il est le plus jeune, et lui-même le prouve bien, puisque dans sa course il échappe à la vieillesse, qui pourtant, on le voit, court assez vite, plus vite au moins qu’il ne faudrait. L’Amour la déteste et se garde bien d’en approcher, même de loin ; mais il accompagne la jeunesse, il se plaît avec elle : car, suivant l’ancien proverbe, chacun s’attache à son semblable. Ainsi d’accord