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LE BANQUET.

raient être offensés par lui ; car s’il souffre ou s’il fait souffrir, c’est sans contrainte, la violence étant incompatible [196c] avec l’amour. Chacun se soumet à lui volontairement, et tout accord conclu librement et de gré à gré, les lois, reines de l’état, le déclarent juste. Si l’Amour est juste il n’est pas moins tempérant ; car on convient que la tempérance consiste à dominer les plaisirs et les passions ; et est-il un plaisir qui ne soit au-dessous de l’amour ? Si donc l’Amour domine tous les autres plaisirs, pour être supérieur à tous les plaisirs et à toutes les passions, il faut qu’il soit doué d’une rare tempérance. [196d] Pour la force Mars lui-même ne le peut égaler ; car ce n’est point Mars qui est le maître de l’Amour, mais l’Amour qui est le maître de Mars, l’amour de Vénus, dit-on : or celui qui est le maître est plus fort que celui qui est maîtrisé ; et surmonter celui qui surmonte tous les autres n’est-ce pas être le plus fort de tous ? Nous avons parlé de la justice, de la tempérance et de la force de ce dieu, reste encore son habileté. Tâchons de ne point demeurer en arrière de ce côté. Afin donc que j’honore notre art comme. Éryximaque [196e] a fait le sien, je dirai que l’Amour est un poète si habile qu’il rend poète qui il veut. On le devient en effet, fût-on auparavant étranger