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LETTRE VII.

n’était pas digne, puisqu’il voulait m’en dérober la gloire. [345a] Il faudrait donc que son instruction eût été achevée dans la seule leçon que je lui ai donnée ; et Jupiter sait quelle leçon, comme dirait un Thébain[1]. Je ne lui ai parlé de philosophie qu’une seule fois, de la manière que je vous ai rapportée ; et depuis je n’ai jamais renouvelé cette épreuve. Si quelqu’un est curieux de savoir pourquoi nous ne sommes revenus sur ce sujet ni le lendemain, ni le surlendemain, ni dans aucun temps, il faut examiner si Denys, après m’avoir une seule fois [345b] entendu, s’est cru suffisamment instruit, et s’il l’était en effet, soit par ses propres méditations, soit par les leçons d’autres philosophes, ou s’il a regardé ce que je lui disais comme frivole, ou bien si ce n’était pas plutôt par ce troisième motif qu’il trouva cette science au-dessus de ses forces et ne se crût pas capable de vivre suivant les règles de la tempérance et de la vertu. S’il prétend que je lui parlais de choses frivoles ; il y a beaucoup de témoins, et de témoins dont l’autorité a plus de poids que celle de Denys, qui affirmeront le contraire. S’il a lui-même découvert ou appris cette science, il l’a donc jugée digne de servir à l’éducation d’une âme libre, [345c] et alors n’est-il pas étrange qu’il ait si légèrement traité l’homme qui pouvait lui servir de maître et de guide ? Et comment l’a-t-il traité ? je vais vous le dire.

Jusqu’alors il avait laissé à Dion la possession et la jouissance de ses biens ; mais bientôt, comme s’il avait oublié la lettre que j’avais reçue de lui, il défendit aux administrateurs de ces biens d’en envoyer les revenus à Dion dans le Péloponnèse. Il prétendait qu’ils n’appartenaient point à Dion mais à son fils, et que la loi le déclarait tuteur [345d] de cet enfant, comme son oncle. Voilà ce qui

  1. Imitation du Phédon, t. Ier, page 195.