Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome I.djvu/114

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Socrate. — Et si nous voulions mettre quelqu’un en état de savoir cela, nous n’aurions pas tort de l’envoyer à leur école, à celle de tout le monde ?

Alcibiade. — Non, assurément.

Socrate. — Au contraire, si nous voulions qu’il sût non seulement ce qui est homme ou ce qui est cheval, mais encore quels hommes et quels chevaux sont bons ou mauvais à la course, est-ce encore le grand nombre qui serait en état de l’enseigner ?

Alcibiade. — Pas du tout.

Socrate. — La preuve que tous ne le savent pas et e ne sont pas de vrais maîtres en cette matière, n’est-ce pas qu’ils ne s’accordent aucunement entre eux à ce sujet ? En conviens-tu ?

Alcibiade. — Oui vraiment.

Socrate. — Et si nous voulions qu’il sût non seulement ce qui caractérise l’homme ou le cheval, mais encore quels hommes et quels chevaux sont sains ou malades, est-ce le grand nombre qui serait en état de renseigner ?

Alcibiade. — Non certes.

Socrate. — Et la preuve qu’ils sont mauvais maîtres en cette matière, ne serait-ce pas, à ton avis, de constater leur désaccord ?

Alcibiade. — Oui, j’en conviens.

Socrate. — Bien. Or, au sujet des personnes et des choses justes ou injustes, la plupart des hommes te semblent-ils 112 s’accorder avec eux-mêmes ou avec les autres ?

Alcibiade. — Oh ! par Zeus, aussi peu que possible.

Socrate. — Et même, n’est-ce pas là-dessus qu’ils te semblent être le plus en désaccord ?

Alcibiade. — Plus que sur tout au monde.

Socrate. — D’autre part, je ne suppose pas que tu aies jamais vu ou entendu des hommes se disputer assez vivement sur ce qui est sain ou malsain pour en venir aux mains et se tuer les uns les autres.

Alcibiade. — Non certes.

Socrate. — Au contraire, au sujet du juste et de l’injuste, à supposer que b tu n’aies pas vu de telles disputes, je sais que tu en as entendu raconter plus d’une, notamment chez Homère. Tu connais les récits de l’Odyssée et de l’Iliade ?