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ALCIBIADE

gligence, sans rien apprendre de ce qui veut être appris, quand on doit s’engager dans une lutte si sérieuse, sans t’exercer à tout ce qui demande de l’exercice, sans te soucier c d’être complètement préparé avant d’aborder les affaires publiques.

Alcibiade. — Vois-tu, Socrate, je crois que tu as raison ; seulement, je pense que ni les chefs des Lacédémoniens, ni le roi des Perses ne diffèrent en rien des autres.

Socrate. — Tu le penses, mon cher Alcibiade. Eh bien, examine un peu ce que vaut ce jugement.

Alcibiade. — Sous quel rapport ?

Socrate. — Avant tout, crois-tu que tu prendrais plus de soin de te perfectionner si tu les craignais d et les jugeais redoutables que si tu pensais le contraire ?

Alcibiade. — J’en prendrais plus, évidemment, si je les craignais.

Socrate. — Et crois-tu que ce soin pourrait te nuire en quoi que ce soit ?

Alcibiade. — Nullement ; je crois même qu’il me profiterait grandement.

Socrate. — En ce cas, ton jugement sur eux te prive premièrement de ce profit, à tout le moins.

Alcibiade. — Tu as raison.

Socrate. — Secondement, il est faux ; réfléchis et vois combien il a contre lui la vraisemblance.

Alcibiade. — Comment ?

Socrate. — Est-il vraisemblable que les meilleures natures se rencontrent dans les races e les plus nobles, oui ou non ?

Alcibiade. — Dans les plus nobles, évidemment.

Socrate. — Et aussi que les bonnes natures, si elles sont bien cultivées, achèvent de se perfectionner dans la vertu ?

Alcibiade. — Sans aucun doute.

Socrate. — Examinons donc, en comparant ce que nous sommes et ce qu’ils sont, d’abord si les rois des Lacédémoniens et des Perses nous semblent être de race inférieure[1]. Ne

  1. Le morceau qui suit est un témoignage curieux des sentiments qui régnaient au commencement du ive siècle, après la guerre du Péloponnèse, dans le milieu où vivait alors Platon. Comparer Xén., Cyr., I, c. 2.