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ALCIBIADE

succès, des honneurs, tu estimerais qu’en tout cela tu n’es qu’un enfant.

Même si d tu t’attaches à la richesse, si c’est de cela que tu es fier, eh bien ! ne craignons pas d’en parler, pour essayer de te montrer ce que tu es. Considère donc les fortunes des Lacédémoniens et tu t’apercevras combien celles d’ici sont moindres. Personne chez nous ne pourrait comparer ses propriétés aux terres qu’ils possèdent chez eux ou en Messénie, ni pour l’étendue, ni pour la qualité, sans parler de leurs esclaves, notamment des hilotes, et des chevaux, et de tout le bétail e qu’ils élèvent sur le territoire Messénien. Et puis, pour laisser tout cela de côté, ce qu’il y a d’or et d’argent chez tous les Grecs ensemble n’égale pas ce qu’en possèdent les particuliers à Lacédémone[1] ; car, depuis plusieurs générations, il en arrive chez eux de tous les pays grecs, souvent aussi de chez les barbares, et il n’en sort jamais : c’est le cas de rappeler ce que le renard dit au lion 123 dans la fable d’Ésope : les traces de l’argent qui entre à Lacédémone, celles qui vont vers leur ville, sont bien visibles, mais nul ne pourrait découvrir celles de l’argent qui en sortirait ; ainsi, l’on ne peut douter que les gens de là-bas ne soient les plus riches des Grecs en or et en argent, et, parmi eux, leur roi. Car sur ce qui entre chez eux, les plus gros prélèvements et les plus fréquents sont au profit des rois, et, en outre, il y a le tribut royal que lui paient les Lacédémoniens et qui est considérable.

b Ces richesses des Lacédémoniens sont donc grandes relativement à celles des Grecs, mais comparées à celles des Perses et de leurs rois, ce n’est rien. J’ai entendu dire à un témoin digne de foi, un de ceux qui sont allés à la cour du roi, qu’il avait traversé un territoire fertile, sur une étendue d’une journée de marche environ ; les habitants l’appellent « la ceinture de la reine » ; il ajoutait qu’il y en a un autre appelé son « voile » ; beaucoup d’autres encore, des terres c fertiles, attribuées à sa parure, qui ont chacune une désignation empruntée à un de ses objets de toilette. De telle sorte qu’à mon avis, si quelqu’un disait à la mère du roi, femme

  1. D’après Aristote (Polit., I, 9), cette richesse était loin d’être générale : il y avait des citoyens très pauvres, d’autres extrêmement riches.