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ALCIBIADE

Alcibiade. — 129 Non, cela n’est pas possible.

Socrate. — Seulement, est-ce chose facile de se connaître soi-même ? et celui qui a mis ce précepte au temple de Pytho était-il le premier venu ? ou bien est-ce une tâche malaisée, qui n’est pas à la portée de tous ?

Alcibiade. — Pour moi, Socrate, j’ai cru maintes fois qu’elle était à la portée de tous, mais, quelquefois aussi, qu’elle est très difficile.

Socrate. — Qu’elle soit facile ou non, Alcibiade, nous sommes toujours en présence de ce fait : en nous connaissant, nous pourrions connaître la manière de prendre soin de nous-mêmes ; sans cela, nous ne le pouvons pas.

Alcibiade. — C’est très juste.


Que faut-il entendre par se connaître soi‑même ?

Socrate. — b Oui ; mais comment trouver ce que c’est au juste que soi-même ? car si nous le connaissions, peut-être trouverions-nous ce que nous sommes ; tant que nous l’ignorons, c’est impossible.

Alcibiade. — Tu as raison.

Socrate. — Courage, par Zeus ! Voyons : à qui parles-tu en ce moment ? n’est-ce pas à moi ?

Alcibiade. — Oui.

Socrate. — Et moi à toi ?

Alcibiade. — Oui.

Socrate. — C’est Socrate qui parle ?

Alcibiade. — Effectivement.

Socrate. — Et c’est Alcibiade qui écoute ?

Alcibiade. — Oui.

Socrate. — Pour parler, Socrate se sert du langage, n’est-ce pas ?

Alcibiade. — Cela c va de soi.

Socrate. — Parler et se servir du langage sont pour toi deux mots pour une même chose.

Alcibiade. — Absolument.

Socrate. — Mais celui qui se sert d’une chose et la chose dont il se sert ne font-ils qu’un ?

Alcibiade. — Que veux-tu dire ?

Socrate. — Par exemple, le cordonnier tranche avec le tranchet, l’alène et autres outils.