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ALCIBIADE


Pour se connaître soi‑même, il faut découvrir Dieu en nous.

Socrate. — Peut-être avons-nous fait déjà un premier pas. Nous avons à peu près reconnu ensemble ce que nous sommes. Quand nous ne le savions pas, nous pouvions craindre de prendre soin, sans nous en douter, de quelque autre chose qui ne serait pas nous.

Alcibiade. — C’est exact.

Socrate. — Cela reconnu, c nous sommes convenus que c’est notre âme dont il faut prendre soin, c’est elle qu’il faut avoir en vue.

Alcibiade. — Parfaitement.

Socrate. — Quant aux soins du corps et de la fortune, c’est à d’autres qu’il convient de s’en remettre.

Alcibiade. — Cela va de soi.

Socrate. — Comment maintenant savoir tout à fait clairement ce que nous sommes[1] ? si une fois nous le savions, sans doute nous nous connaîtrions nous-mêmes. Mais, par les dieux, ce précepte si juste de Delphes que nous rappelions à l’instant, sommes-nous sûrs de l’avoir bien compris ?

Alcibiade. — Que veux-tu dire, Socrate ?

Socrate. — Je vais t’expliquer d quelle signification, quel conseil je soupçonne dans ce précepte. Seulement je ne trouve pas beaucoup de termes de comparaison qui soient propres à le faire comprendre ; il n’y a peut-être que la vue.

Alcibiade. — Qu’entends-tu par là ?

Socrate. — Réfléchissons ensemble. Supposons que ce précepte s’adresse à nos yeux comme à des hommes et leur dise : « Regardez-vous vous-mêmes. » Comment comprendrions-nous cet avis ? ne penserions nous pas qu’il inviterait les yeux à regarder un objet dans lequel ils se verraient eux-mêmes ?

Alcibiade. — Évidemment.

Socrate. — Or quel est l’objet tel qu’en le regardant nous nous y verrions e nous-mêmes, en même temps que nous le verrions ?

Alcibiade. — Un miroir, Socrate, ou quelque chose du même genre.

  1. Socrate revient ici à la question posée plus haut (129 b) et à la réponse jugée insuffisante (130 d) ; il s’agit maintenant de pénétrer à fond ce que l’oracle appelle « toi-même ».