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NOTICE

donnent la franchise, la simplicité, la bonne conscience, quand elles parlent le langage qui leur est propre. Nul intermédiaire suspect entre lui et le public appelé à le juger. Évoqué, pour ainsi dire, par son disciple fidèle, Socrate allait vraiment reprendre vie, pour se montrer enfin tel qu’il était à des juges sans parti pris.

Il fallait donc que ceux qui l’avaient connu pussent le reconnaître à sa manière de parler et que les autres s’en fissent une idée exacte. Est-ce à dire que Platon dût s’astreindre à représenter, dans une sorte de procès-verbal rédigé de mémoire à trois ans de distance, ce qui s’était réellement passé devant le tribunal ? Évidemment non. Il entendait faire, pour la défense de son maître, ce que celui-ci, probablement, n’avait pas fait lui-même. Il s’agissait d’expliquer toute sa vie, de réfuter non seulement les accusations énoncées par Mélétos, mais encore toutes les calomnies, tous les propos mensongers qui avaient couru dans Athènes, de révéler clairement l’idée directrice qu’il avait prise pour règle de sa conduite, de faire comprendre ce qu’il avait considéré comme une mission divine, d’exposer les raisons décisives qui l’avaient empêché de se prêter à aucune concession, et, par là, de montrer comment l’intransigeance qu’on avait attribuée à un orgueil indomptable n’était en fait que le scrupule légitime d’une conscience inflexible. La tâche qui s’imposait à Platon était donc en somme celle-ci : faire dire à Socrate tout ce que lui-même jugeait utile de dire à ses lecteurs, mais, en même temps, imiter assez bien sa manière propre, reproduire même assez exactement certains épisodes du procès, certaines déclarations ou paroles mémorables de l’accusé, pour que la fiction pût être prise pour la réalité elle-même. Platon y a si bien réussi qu’un certain nombre de critiques modernes et beaucoup de lecteurs s’y sont mépris.

Son Apologie a l’air d’une improvisation familière ; c’est, en fait, une composition très réfléchie. Après un exorde où Socrate s’excuse de ne pas parler avec art, il répond d’abord aux accusations des poètes comiques, d’Aristophane en particulier, qui l’avaient représenté comme adonné aux sciences de la nature ; il déclare y être absolument étranger. Mais alors, dit-il, s’il ne prétend à aucune supériorité de connaissance, s’il n’y a rien en lui d’exceptionnel, d’où est venue sa