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NOTICE

détriment de l’autorité des parents ni contrairement à l’esprit de la démocratie athénienne. Ils prouvent simplement, l’un et l’autre, que Mélétos était un sot qui ne comprenait rien au rôle dont il s’était chargé. C’est sans doute ce que Socrate avait voulu faire éclater aux yeux du tribunal, ne pouvant guère présenter sur ce point une justification directe, qui n’eût été ni admise ni comprise. Platon est donc probablement en ceci un témoin assez fidèle. Le reproche d’innover en matière religieuse est traité d’une manière analogue. Mélétos, pressé de s’expliquer nettement, ne fait pas difficulté de dire qu’en fait il tient l’accusé pour un athée. Cette accusation, Socrate la tourne en ridicule, en montrant qu’elle se contredit elle-même, puisque le même homme prétend d’autre part le faire condamner comme croyant à des divinités nouvelles. Pour la seconde fois, l’auteur de la plainte est convaincu de ne pas savoir ce qu’il dit. Socrate explique alors ce qu’est cet esprit divin qu’on lui reproche d’adorer : simple avertissement intérieur que les dieux lui donnent, comme ils en donnent à d’autres sous d’autres formes. Ici encore, la vraie question est à peine effleurée. On a vu plus haut pourquoi Socrate n’avait pas pu apporter sa profession de foi devant le tribunal. Les mêmes raisons s’imposaient à son apologiste. Exposer la croyance religieuse de Socrate, c’eût été s’obliger à dire en quoi elle s’écartait de celle de la foule. Platon ne se sentit pas en droit de le faire, surtout dans une composition qui était censée reproduire ce que Socrate avait dit réellement.

Mais si cette seconde partie nous fait un peu l’effet d’un intermède satirique, où l’auteur se joue aux dépens d’un personnage méchant et ridicule, il en est tout autrement de celle qui suit, où Socrate expose sa mission. C’est bien en effet comme une mission divine qu’il représente son rôle ; et voilà certainement ce que Platon a voulu surtout imprimer dans l’esprit de ses lecteurs. On sent ici combien il tient à leur persuader que si son maître a passé sa vie à interroger, à raisonner, à exhorter, ce n’était ni pour le malin plaisir de déconcerter ses interlocuteurs, ni pour la satisfaction de déployer son esprit, ni par une sorte d’indiscrétion naturelle, mais parce qu’il croyait fermement qu’en agissant ainsi il rendait à ses concitoyens le plus grand service, parce qu’il