Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome I.djvu/274

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
165
APOLOGIE DE SOCRATE

à votre serment, je vous enseignerais à croire qu’il n’y a pas de dieux ; me défendre ainsi, ce serait m’accuser clairement moi-même de ne pas croire en eux. Mais il s’en faut que cela soit. J’y crois, Athéniens, comme n’y croit aucun de mes accusateurs ; c’est pourquoi je m’en remets à vous et à la divinité du soin de décider ce qui vaudra le mieux pour moi comme pour vous.




DEUXIÈME PARTIE

DE LA PEINE ENCOURUE PAR SOCRATE


Réflexions sur le jugement.

e

Si je ne m’indigne pas d’être condamné par vous, Athéniens, c’est pour plusieurs raisons, et notamment parce que 36 je n’étais pas sans m’y attendre. Je m’étonne plutôt de la proportion selon laquelle les voix se sont réparties. Vraiment, je ne pensais pas qu’une si faible majorité se prononcerait contre moi ; je croyais qu’il y en aurait une beaucoup plus forte. Car, si je compte bien, il eût suffi d’un déplacement de trente voix pour que je fusse acquitté. Je conclus de là qu’en ce qui dépendait de Mélétos, me voici absous ; bien plus, personne ne peut douter que, si Anytos et Lycon n’étaient pas venus ici m’accuser, il aurait été condamné à une amende de mille drachmes, b faute d’avoir recueilli le cinquième des voix.


Discussion des diverses peines possibles.

Maintenant, il propose qu’on me condamne à mort. Soit. À mon tour, Athéniens, que vais-je proposer ? Évidemment, ce que je mérite. Qu’est-ce donc ? Quel traitement, quelle amende ai-je méritée pour avoir cru que je devais renoncer à une vie tranquille, négliger ce que la plupart des hommes ont à cœur, fortune, intérêts privés, commandements militaires, succès de tribune, magistratures, coalitions, factions politiques ? pour m’être convaincu qu’avec mes scrupules c je me perdrais si j’entrais dans cette voie ? pour n’avoir pas voulu m’engager dans ce qui n’eût été