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HIPPIAS MINEUR

tien sans indication de décor ; deux interlocuteurs seulement, si l’on ne tient compte que de ceux qui participent vraiment à la discussion ; point de péripéties frappantes ; peu d’invention dramatique. C’est le dialogue socratique sous sa forme la plus simple.

La qualification d’Hippias mineur, qui lui est donnée par nos manuscrits, dénote que, déjà, dans l’antiquité, ce dialogue était considéré comme inférieur en art et en valeur à l’autre Hippias, qualifié de majeur. Il n’y a pas lieu de modifier ce jugement. L’œuvre, d’ailleurs, ne laisse pas que d’être intéressante ; elle l’est à la fois comme un des premiers essais d’un admirable écrivain et comme une très curieuse expression d’un des dogmes socratiques.



II

LE SUJET


Socrate pensait qu’aucun homme ne fait le mal volontairement. Cela résultait pour lui de ce qu’il concevait le mal comme essentiellement nuisible à qui le commet. Le bien étant à ses yeux identique à l’utile et condition fondamentale du bonheur, il lui paraissait évident qu’aucun homme ne veut se nuire à lui-même. D’après lui, celui qui fait le mal croit se faire du bien : en quoi, il se trompe. Toute mauvaise action est donc une erreur ou, en d’autres termes, une ignorance ; la vertu, au contraire, est une connaissance exacte de la réalité des choses, une science.

La manière la plus naturelle de justifier cette assertion eût été de montrer par les faits que le mal est toujours nuisible à qui le commet, que le bien est toujours avantageux ; mais il aurait fallu, en outre, établir que la passion ne l’emporte jamais en nous sur l’intelligence ; c’est ce second point qui fait surtout difficulté. Platon a essayé dans ses dialogues ultérieurs, notamment dans le Gorgias, dans la République, de démontrer directement la première de ces deux affirmations, qui est pleinement conforme aux enseignements de la raison. Sur la seconde, qui semble au contraire singulièrement hasardeuse, il a dû faire d’assez larges concessions.