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EUTHYPHRON

de belles choses ; mais, en somme, tout se résume en ceci, qu’ils font produire à la terre de quoi nous nourrir.

Euthyphron. — Sans aucun doute.

Socrate. — Pareillement toutes ces belles œuvres que font les dieux, en quoi se résument-elles ?

Euthyphron. — Je viens de te dire, Socrate, que c’est une tâche de longue haleine de s’en instruire en b détail. Voici toutefois l’essentiel : savoir dire et faire ce qui est agréable aux dieux, soit en priant, soit en sacrifiant, c’est là ce qui est pieux, ce qui assure le salut des familles et celui des cités[1] ; le contraire est impie ; de là viennent les bouleversements et les ruines.

Socrate. — Certes, Euthyphron, tu aurais pu, si tu l’avais voulu, me résumer ce que je te demandais beaucoup plus brièvement que tu le dis. Mais, décidément, tu n’as pas à cœur de m’instruire ; je le vois bien. Tu étais à l’instant même sur le point de le faire, c et brusquement tu m’as dérobé ta réponse ; si tu me l’avais donnée, j’apprenais de toi ce que c’est qu’être pieux et j’étais satisfait. Mais qu’y faire ? il faut bien que l’amant suive l’objet de son amour, partout où il le conduit[2]. Voyons donc ; comment viens-tu de définir au juste ce qui est pieux et sa qualité propre ? n’est-ce pas une certaine science de sacrifices et de prières ?

Euthyphron. — C’est ce que j’ai dit.

Socrate. — Sacrifier, n’est-ce pas faire des présents aux dieux ? prier, n’est-ce pas leur adresser des demandes ?

Euthyphron. — En effet, Socrate.

Socrate. — D’après cela, la piété serait la science d des demandes et des présents à faire aux dieux ?

Euthyphron. — Très bien, Socrate, tu m’as parfaitement compris.

Socrate. — C’est que je suis avide de ton savoir, mon ami, et j’y donne toute mon attention, pour ne pas laisser perdre une miette de ce que tu dis. Explique-moi donc en quoi

  1. Les Grecs attachaient la plus grande importance au rituel. Le choix des victimes, les formules des prières, les jours et les heures des cérémonies, tout était réglé par la tradition.
  2. Proverbe. Socrate se donne pour amoureux du savoir d’Euthyphron.