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LACHÈS

c’est dès maintenant que nous voulons aborder cette tâche avec toute l’application dont nous sommes capables. Sachant que vous aviez aussi des fils, nous avons pensé que vous aviez dû réfléchir autant que personne aux soins à leur donner pour en faire des hommes de mérite, mais que, si par hasard vous aviez quelque peu négligé cette préoccupation, nous vous ferions souvenir que vous n’aviez pas le droit de l’oublier, et qu’ainsi nous vous engagerions à vous joindre à nous pour l’éducation de vos fils[1].

D’où nous est venue cette pensée ? La chose mérite d’être contée, bien que le récit en soit un peu long.

Nous prenons nos repas ensemble, Mélésias et moi, et nos fils mangent avec nous. Comme je vous le disais tout à l’heure, je serai franc. Donc, chacun de nous trouve dans la vie de son père de belles actions qu’il peut raconter aux deux jeunes gens, actions accomplies dans la guerre et dans la paix, actions relatives aux affaires des alliés et à celles de la cité ; mais, de nous deux personnellement, nous n’avons rien à raconter[2]. Nous en avons quelque honte devant nos fils et nous en faisons reproche à nos pères, qui nous ont laissé la bride sur le cou dans notre jeunesse, occupés qu’ils étaient eux-mêmes par les affaires des autres ; et nous en tirions une leçon pour nos enfants, leur disant que, s’ils ne prenaient pas soin d’eux-mêmes et ne nous écoutaient pas, ils vivraient sans gloire, tandis que, s’ils faisaient le contraire, ils pourraient se montrer dignes des noms qu’ils portaient. Nos fils nous ont promis de suivre nos conseils, mais nous nous demandons quelle étude ou quel genre de vie est le plus propre à faire d’eux des hommes de mérite. Quelqu’un nous signala comme une belle étude pour un jeune homme celle du combat en armes, et, nous vantant l’artiste dont vous avez eu sous les yeux les exercices, il nous engagea à l’aller voir. Nous avons cru bon d’y aller nous-mêmes et de vous le faire voir en même temps, afin que

  1. Les fils de Lachès sont inconnus. Celui de Nicias, nomme Nicératos (cf. 200 d), est quelquefois mentionné comme un homme de grande distinction. Il fut mis à mort par les Trente (Xén., Hellén. II, 3, 39 ; Diod., XIV, 5, 5).
  2. On a vu ci-dessus, dans la Notice, que les noms de Lysimaque et de Mélésias n’apparaissent dans les documents athéniens que rarement, et pour des faits de peu d’importance.