qu’entends-tu, Socrate, par cette vitesse dont tu reconnais l’existence dans toutes ces choses ? Je répondrais : j’appelle vitesse la faculté d’accomplir en peu de temps beaucoup d’actes relatifs à la parole, à la course, et ainsi de suite.
Lachès. — La réponse serait juste.
Socrate. — Eh bien, Lachès, essaie de me dire à ton tour en quoi consiste cette faculté qui s’exerce à la fois à l’égard du plaisir, de la douleur, de toutes les choses énumérées tout à l’heure par nous, et que nous appelons le courage.
Seconde définition de Lachès.
Lachès. — Il me semble que c’est une certaine force de l’âme, si nous considérons sa nature en général.
Socrate. — Nous le devons, Lachès, si nous voulons répondre à notre question. Cependant je doute que toute force d’âme te paraisse courageuse, et voici ce qui cause mon doute : je suis sûr que tu ranges le courage parmi les très belles choses[1].
Lachès. — Parmi les plus belles, sois-en sûr.
Socrate. — Mais n’est-ce pas la force accompagnée d’intelligence qui est belle et bonne ?
Lachès. — Assurément.
Socrate. — Et si elle est jointe à la folie ? n’est-elle pas alors mauvaise et nuisible ?
Lachès. — Oui.
Socrate. — Peux-tu appeler belle une chose nuisible et mauvaise ?
Lachès. — Je n’en ai pas le droit, Socrate.
Socrate. — Tu n’appelleras donc pas courage cette espèce de force d’âme, puisque celle-ci est laide et que le courage est beau.
Lachès. — Tu as raison.
Socrate. — Et ce serait la force d’âme intelligente, d’après toi, qui serait le courage[2] ?