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GORGIAS

475Socrate. — Et pour la beauté des connaissances, il en est de même ?

Polos. — Absolument. Voici enfin, Socrate, une bonne définition du beau, maintenant que tu le définis par le plaisir et l’utilité[1].

Socrate. — Le laid, alors, se définira par les contraires, le douloureux et le nuisible ?

Polos. — Nécessairement.

Socrate. — Par conséquent, lorsque de deux belles choses l’une est plus belle que l’autre, c’est par l’une de ces qualités, ou par toutes deux fois à la fois, qu’elle l’emporte en beauté, par le plaisir, ou l’utilité, ou l’un et l’autre ?

Polos. — Assurément.

Socrate. — Et lorsque de deux choses laides l’une est plus laide que l’autre, c’est l’excès du douloureux ou du nuisible qui la rend plus laide ? bN’est-ce pas une conséquence rigoureuse ?

Polos. — Oui.

Socrate. — Eh bien, que disions-nous tout à l’heure de l’injustice commise ou subie ? Ne disais-tu pas que subir l’injustice était plus mauvais, et que la commettre était plus laid ?

Polos. — Je l’ai dit en effet.

Socrate. — Mais si commettre l’injustice est plus laid que la subir, ou bien c’est plus douloureux et c’est l’excès de la souffrance qui le rend plus laid, ou bien ce sera l’excès du nuisible, ou enfin tous les deux ? N’est-ce pas forcé ?

Polos. — C’est incontestable.

cSocrate. — Examinons d’abord si c’est la souffrance qui est plus grande à commettre qu’à subir l’injustice, et si le coupable souffre plus que sa victime.

Polos. — Quant à cela, Socrate, jamais de la vie !

Socrate. — Ce n’est donc pas la souffrance qui l’emporte ?

Polos. — Non certes.

Socrate. — Si la souffrance ne l’emporte pas, ce ne sont pas les deux choses ensemble qui l’emportent ?

Polos. — Évidemment.

  1. L’utilité. Le grec est moins précis. Au mot propre exprimant l’utilité (ὠφέλιμος), dont Socrate s’était servi pour définir le beau,