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NOTICE

voyait grandir autour de lui dans la société athénienne. Il est représenté comme un homme encore jeune, un citoyen riche et ambitieux qui aspire à jouer un rôle dans la politique et qui s’y prépare en écoutant les sophistes étrangers, reçus par lui dans sa maison. Socrate le traite d’assez haut, mais Calliclès, qui s’impatiente, qui s’irrite, qui feint de vouloir rompre l’entretien, cède pourtant aux prières de Gorgias et discute jusqu’au bout pour la forme, avec une mauvaise humeur assez plaisante. De là quatre parties distinctes dans le dialogue, chacune ayant son objet limité et aboutissant à une conclusion partielle[1] :

1o Socrate et Gorgias. — Recherche d’une définition de la rhétorique par la détermination de son office propre : la rhétorique est une ouvrière de persuasion, mais non à la manière de la science, qui distingue le vrai du faux : la rhétorique ne produit que la croyance, tantôt vraie et tantôt fausse.

2o Socrate et Polos. — La rhétorique n’est donc pas un art véritable fondé sur la connaissance du vrai ; elle n’est qu’un empirisme routinier, inventé en vue de la flatterie et du plaisir.

3o Socrate et Calliclès. — Qu’importe, dit Calliclès, si le plaisir est le vrai bien pour l’homme et par conséquent le but suprême de la vie ? Socrate établit que le plaisir est trompeur dans la vie présente et funeste dans la vie future.

4o Monologue de Socrate et mythe de la vie future.

Nous voyons, par le commentaire d’Olympiodore, que les anciens disputaient déjà sur l’unité de ces quatre parties et sur le vrai sujet du dialogue ; s’agissait-il avant tout, dans le Gorgias, de la rhétorique, ou de la morale ou d’une doctrine de la vie future ? Nous ne nous arrêterons pas à ces subtilités assez puériles. Il est trop évident qu’il s’agit bien de la rhétorique, mais considérée dans sa valeur pour le bonheur de l’homme, et que cette valeur dépend essentiellement, selon Platon, de la solution donnée aux questions agitées dans les trois dernières parties. La liaison intime des quatre parties, au point de vue de la pensée, est donc incontestable, et en

  1. Il s’en faut cependant qu’il y ait plein accord sur ce point. On lira avec intérêt le chapitre consacré à la question par H. Bonitz dans ses Platonische Studien3, Berlin, 1886.