Calliclès. — Oui.
Socrate. — Mais lequel est le plus sujet à la peine et à la joie ? l’homme raisonnable ou l’homme déraisonnable ?
Calliclès. — Je ne crois pas que cela fasse une grande différence.
Socrate. — Cela me suffit. Et à la guerre, as-tu déjà vu un lâche ?
Calliclès. — Assurément.
Socrate. — À la vue de l’ennemi en retraite, lesquels avaient le plus de joie, les lâches ou les braves ?
Calliclès. — Le plus de joie ? tous les deux, à ce qu’il me semble ; ou du moins, bla différence était petite.
Socrate. — Peu importe la différence : quoi qu’il en soit, les lâches même éprouvent de la joie ?
Calliclès. — Et même une très grande.
Socrate. — Les déraisonnables aussi, semble-t-il ?
Calliclès. — Oui.
Socrate. — Mais quand l’ennemi avance, les lâches sont-ils seuls fâchés, ou les braves le sont-ils aussi ?
Calliclès. — Tous le sont.
Socrate. — Au même degré ?
Calliclès. — Les lâches peut-être davantage.
Socrate. — Et ne se réjouissent-ils pas plus quand l’ennemi recule ?
Calliclès. — Peut-être.
Socrate. — Ainsi donc, la douleur et la joie peuvent être éprouvées par les insensés comme par les sages, par les lâches comme par les braves, cet cela, à ton avis, à peu près au même degré, mais plus encore, par les lâches que par les braves ?
Calliclès. — Oui.
Socrate. — Cependant, les sages et les braves sont bons, tandis que les insensés et les lâches sont mauvais ?
Calliclès. — Oui.
Socrate. — Par conséquent la joie et la douleur peuvent être éprouvées à peu près au même degré par les mauvais et par les bons.
Calliclès. — Je l’admets.
plaisir et du bien : paradoxe auquel elle conduit, quand on admet, comme l’a fait Calliclès, que sont bons, non les insensés et les lâches, mais ceux qui sont intelligents et braves.