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GORGIAS

tage évident de nous être utile chez les morts. Loin de là, nos longues discussions, après avoir renversé toutes les théories, laissent intacte uniquement celle-ci : qu’il faut éviter avec plus de soin de commettre l’injustice que de la subir, que chacun doit s’appliquer par-dessus tout à être bon plutôt qu’à le paraître, dans sa vie publique et privée, et que si un homme s’est rendu mauvais en quelque chose, il doit être châtié, le second bien, après celui d’être juste, consistant à le devenir et à payer sa faute par la punition ; cque toute flatterie envers soi-même ou envers les autres, qu’ils soient nombreux ou non, doit être évitée ; que la rhétorique enfin, comme toute autre chose, doit toujours être mise au service du bien.

Suis donc mes conseils et accompagne-moi du côté où tu trouveras le bonheur pendant la vie et après la mort, comme la raison le démontre. Laisse-toi mépriser, traiter d’insensé ; souffre même qu’on t’insulte, si l’on veut, et qu’on t’inflige, par Zeus, dce soufflet qui est pour toi la suprême déchéance ; ne t’en trouble pas : tu n’en éprouveras aucun mal, si tu es vraiment un honnête homme, appliqué à l’exercice de la vertu.

Quand nous aurons ensemble pratiqué suffisamment cet exercice, nous pourrons, si bon nous semble, aborder alors la politique ; ou, si quelque autre chose nous attire, en délibérer, étant devenus plus capables de le faire que nous ne le sommes aujourd’hui. Car nous devrions rougir, étant ce que nous paraissons, de nous donner des airs d’importance, ealors que nous changeons sans cesse d’avis, et cela sur les questions les plus graves, tant nous sommes ignorants. Il faut donc nous laisser guider par les vérités qui viennent de nous apparaître et qui nous enseignent que la meilleure manière de vivre consiste à pratiquer la justice et la vertu, dans la vie et dans la mort. Suivons leur appel, et faisons-les entendre aux autres hommes, mais n’écoutons pas les raisons qui t’ont séduit et au nom desquelles tu m’exhortes : elles sont sans valeur, Calliclès.