objets ? » me dirait-on. Je répondrais : « Entre l’arithmétique et le calcul, c pour le reste, point de différence, comme on dit dans les décrets[1] ; car le calcul porte également sur le pair et l’impair ; mais il diffère de l’arithmétique en ceci précisément qu’il mesure les grandeurs relatives du pair et de l’impair soit par rapport à eux-mêmes soit par comparaison entre eux ». Et si l’on m’interrogeait sur l’astronomie, je commencerais par dire qu’elle aussi réalise son objet uniquement par la parole ; puis, si l’on ajoutait : « Quel est l’objet de ses discours ? » je répondrais que c’est la marche des astres, du soleil et de la lune, et la vitesse relative de leurs mouvements.
Gorgias. — Ce serait fort bien répondu, Socrate.
dSocrate. — Eh bien, maintenant, Gorgias, à ton tour. La rhétorique, avons-nous dit, est un des arts qui se servent uniquement du discours pour achever et parfaire leur œuvre. Est-ce exact ?
Gorgias. — Très exact.
Socrate. — Dis-moi donc maintenant sur quoi portent ses discours. Quelle est, parmi toutes les choses existantes, celle qui forme le sujet des discours propres à la rhétorique ?
Gorgias. — Ce sont, Socrate, les plus grandes et les meilleures entre les choses humaines.
Socrate. — Mais, Gorgias, ce que tu dis-là prête aux discussions et manque encore e absolument de précision. Tu as sans doute entendu chanter dans les festins ce scolie[2] où il est dit, dans l’énumération des biens, que le premier de tous est la santé, que la beauté est le second, et que le troisième consiste, selon l’expression du poète, dans « la richesse acquise sans fraude ».
Gorgias. — Certainement, je le connais ; mais où veux-tu en venir ?
452Socrate. — À te faire observer que tu soulèverais contre toi tous les producteurs des autres biens vantés dans le scolie, le médecin, le pédotribe, le financier, et que le médecin dirait tout d’abord : « Socrate, Gorgias te trompe : ce n’est pas son art qui produit pour l’homme le plus grand bien ; c’est